Par Michel Jakobiec, ancien Directeur du Conservatoire de Musique de Tournai
Rossini, photographie d’Étienne Carjat
Portrait de la cantatrice Angela Isabella Colbran par Johann Heinrich Schmidt
Cet opéra a été écrit en 1818 sur commande du directeur du San Carlo de Naples, à l’intention d’Isabella Colbran autrefois sa maîtresse et bientôt l’épouse de Rossini.
L’opéra remporta un très grand succès, plus grand encore à sa reprise un an plus tard (honneur fort rare à l’époque) avec l’addition de cette fameuse prière du dernier acte.
Selon Stendhal, quelques minutes seulement suffirent à Rossini pour écrire cet air auquel le librettiste trouva ensuite les paroles susceptibles de lui convenir.
Lors des premières représentations le morceau mit les spectatrices italiennes dans un tel état qu’il fallut appeler des médecins pour les calmer.
C’est cette prière qui fut chantée sur les marches de la cathédrale Santa Croce à Florence quand le corps de Rossini fut ramené de Paris en 1887, soit 20 ans après sa mort, pour y être inhumé. La foule immense, assemblée sur la place à cette occasion, réclama un bis !
En 1935, l’opéra fut donné à Florence en présence de Hitler, invité par Mussolini. Il dut donc assister à la noyade des Égyptiens alors que les Juifs se sauvaient à travers la Mer Rouge.
Situation à l’Acte 4
Moïse (basse) est pris entre l’étendue de la Mer Rouge et l’armée de Pharaon qui s’avance. Il s’adresse à Dieu dans une ultime prière à laquelle se joignent son frère (ténor), sa sœur (mezzo-soprano) , sa fille (soprano) et son peuple.
Moïse entraine son peuple dans la Mer Rouge qui s’écarte miraculeusement avant de se refermer sur l’armée égyptienne.
Pourquoi choisir cette œuvre ?
La mélodie d’une tessiture moyenne (interprétée aussi bien par la basse que par le ténor et la soprano) peut être chantée par les choristes en tutti ou par pupitres. La première intervention (Moïse, basse) peut être chantée par le pupitre des basses ou par les pupitres de voix d’hommes. C’est l’occasion de les mettre en valeur.
La deuxième intervention peut être chantée par le pupitre d’altos ou ténors et altos, la troisième l’étant par les sopranes ou toutes les voix de femmes réunies.
Chaque couplet est repris à quatre voix par tous les chœurs.
Voici une bonne occasion d’aborder la technique vocale spécifique au chant opéra, le tempo étant (très) lent, il est nécessaire de prendre une bonne respiration lente et correcte en prenant le temps (toute la durée du temps levé) par la bouche en bâillant ou par le nez en réprimant un bâillement. Ceci aura pour effet de détendre le larynx et d’ouvrir largement le gosier.
La première phrase musicale peut servir d’exercice d’échauffement en la divisant en quatre parties :
- une phrase montante sur une seule respiration (Des cieux où tu résides),
- la phrase descendante (Grand Dieu toi qui nous guides) après une bonne respiration calme et détendue,
- idem pour la phrase suivante montante (Comble les vœux timides)
- et une respiration toujours de qualité avant la phrase de conclusion (D’un peuple gémissant).
Rossini (surnommé Il Signore Vacarmi !) étant le grand spécialiste des changements progressifs de nuances (crescendo passant du piano au forte en une mesure et réciproquement), ce sera l’occasion de prendre conscience de l’appui du souffle et de son effet sur les nuances vocales ainsi que sur les qualités harmoniques des voix.
Une approche de l’harmonie se fera quasi naturellement, la phase soliste étant reprise systématiquement par les chœurs à quatre voix.
On prendra également conscience (sans nécessairement en faire une leçon théorique de solfège !) de la différence « majeur-mineur » la dernière reprise en tutti étant écrite en mode majeur.
En ce qui concerne la coda, on fera chanter la partie soliste soit par 4 chanteurs, soit par un petit chœur.
Je pense que voilà une œuvre abordable par beaucoup de chorales permettant de prendre beaucoup de plaisir tout en progressant dans les qualités d’interprétation vocale.