Propos recueillis par Caroline Rainette

7 octobre 2022

Compositeur, chef d’orchestre et percussionniste, Hans Loirs nous raconte son parcours. Il a été finaliste au concours de composition organisé par le Cory Brass Band en 2022 avec sa pièce Aspects of the sky.

Racontez-nous votre parcours

Je suis originaire du Nord-Pas-de-Calais, d’une famille de musiciens amateurs : mon père est trompettiste et dirige une harmonie, mon frère joue au Brass Band du Hainaut. Dans le Nord, l’harmonie est une tradition, ainsi j’ai pu faire partie de cinq orchestres en même temps, soit cinq répétitions par semaine. J’ai fait mes études de percussions au conservatoire de Douai, puis j’ai intégré le CNSM de Paris, jusqu’en Master 1. En 2017, ayant réussi le concours de percussions solo à l’orchestre national des Pays de la Loire, un orchestre symphonique, j’ai quitté le conservatoire pour commencer ma carrière de musicien d’orchestre. En 2018, j’ai également été recruté comme directeur musical du Brass Band des Pays de la Loire. En effet, j’ai toujours été fasciné par le brass band, sa sonorité et son répertoire, et j’ai d’ailleurs fait partie du Brass Band de Douai pendant 12 ans. Avec le Brass Band de l’Europe, j’ai eu la chance de côtoyer de grands noms : David Thornton, ou encore le chef Luc Vertommen.

J’ai par ailleurs toujours un peu composé, de manière autodidacte, et je me suis vraiment lancé dans la composition pour le Brass Band des Pays de la Loire. J’ai commencé par une pièce de concours, qui a été jouée au Championnat National de Brass Band CMF en 2020 à Grand Quevilly. C’était à la fois incroyable et touchant de voir les musiciens s’impliquer autant sur une pièce que j’avais écrite, j’étais très stressé le jour du concours, d’autant que je dirigeais aussi l’orchestre. Finalement tout s’est bien passé, j’étais heureux de voir que le public avait apprécié et d’avoir des retours positifs de la part du jury, cela m’a rassuré.

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J’ai énormément apprécié ce travail de composition, et j’ai donc continué, toujours en autodidacte. J’aime bien ne pas poser de règles, j’analyse précisément les conducteurs pour comprendre leur fonctionnement, je travaille seul mais beaucoup. Mon but est avant tout d’écrire du répertoire accessible à tous : aujourd’hui les grands compositeurs écrivent principalement des pièces très difficiles, pour les gros brass bands. Or il est important que les petits brass puissent eux-aussi travailler sur des créations, aussi j’aimerais développer des pièces pour ces brass bands, comme c’est le cas par exemple pour le Brass Band des Pays de la Loire.

Pourquoi avez-vous choisi le brass band ?

Ce sont essentiellement les cuivres qui m’ont attiré, j’aime tout particulièrement ces instruments. Je tiens sans doute cette passion de mon père qui collectionne les trompettes. Ce qui me plait particulièrement dans le brass band, c’est l’homogénéité du son : tous les instruments appartiennent à la même famille, ce qui permet à l’orchestre de sonner tout de suite très bien. C’est très accessible, on peut faire de belles choses même avec des musiciens de niveau plus faible, contrairement à l’harmonie où il faut arriver à générer les couleurs de chaque pupitre.

Avec le Brass Band des Hauts-de-France, j’avais joué Perihelion de Philip Sparke, or en travaillant le conducteur je m’étais rendu compte de la qualité exceptionnelle de l’œuvre. En symphonique, nous travaillons de grands compositeurs, comme Mahler, Stravinsky, or il y a autant de chefs-d’œuvre dans le répertoire brass band, les couleurs et la qualité d’écriture sont magnifiques, mais cela reste méconnu du grand public.

C’est intéressant pour un brass band de participer au Championnat National de Brass Band, car cela permet d’aborder du répertoire de concours et demande d’être sans cesse exigeant, alors qu’en concert on peut être un peu plus indulgent. Le concours permet de franchir un cap, l’orchestre progresse énormément car il passe beaucoup de temps sur une pièce qu’il travaille dans le détail. Il y a aussi beaucoup d’émulation entre les orchestres participants ; c’est toujours intéressant, motivant et enrichissant que les musiciens de brass inférieurs écoutent ceux de niveau supérieur. Enfin il ne faut pas oublier le lien social entre les musiciens : on se soutient, on a des amis dans les autres brass, on est content de se retrouver.

Je me laisse porter, je n’ai pas de fil conducteur préconçu, je pars de la mélodie et je me laisse complètement aller.

Parlez-nous de votre travail de composition

J’ai d’abord analysé le travail des compositeurs, Philip Sparke et Peter Graham en premier lieu, mais aussi d’autres comme Philip Harper, Thierry Deleruyelle… J’écoute énormément de répertoire.

Je compose avec l’ordinateur. Quand j’ai commencé, c’était assez difficile, étant autodidacte. Je chantais une voix, j’essayais de l’écrire, puis l’accompagnement. Mais j’avais beaucoup de problèmes, avec par exemple les transitions de tonalités et de rythmes. Avec le temps et l’expérience j’ai progressé. J’aime me chanter des mélodies que j’enregistre dans les mémos du téléphone. Je peux laisser des mélodies stagner, mûrir, et y revenir plus tard. Je me laisse porter, je n’ai pas de fil conducteur préconçu, je pars de la mélodie et je me laisse complètement aller.

Parlez-nous de votre pièce sélectionnée par le Cory Brass Band

Aspects of the sky, qui a été sélectionnée par le Cory, vient d’une mélodie – une cadence de cornet et un premier thème – enregistrée dans le téléphone et qui est restée deux ans avant que je ne la réécoute pour en faire quelque chose. J’ai d’abord réécrit la cadence de cornet, puis j’ai commencé à harmoniser. J’ai composé la première cadence et le premier thème, avec des couleurs un peu sombres, qui se sont éclaircies dans la première transition, ce qui est devenu mon fil conducteur : partir d’un univers sombre qui va en s’éclaircissant. La pièce s’intéresse aux aspects du ciel : la pluie, l’orage, le soleil, il y a beaucoup de couleurs. Une fois que j’avais posé tout ce parti pris, j’ai pu écrire en fonction des thèmes, représenter les différents aspects du ciel, par exemple le cyclone avec une rythmique fixe. Je suis donc parti d’une cadence, et je me suis laissé porter avec cette idée d’éclaircissement : on part de l’orage pour terminer sur le soleil. Je suis assez content du résultat. Au-delà du résultat final, le seul fait que le Cory joue et enregistre ma pièce est une énorme victoire. Je ne m’y attendais pas du tout.

Je n’ai pas pu assister à l’enregistrement de la pièce, mais je leur ai donné quelques indications de jeu, notamment en expliquant que la cadence de jeu du cornet en début de pièce est libre. J’ai également donné quelques indications au batteur, le style étant plutôt rock-métal.

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Le collectif fait plus progresser le musicien que l’individuel.

Quel est votre regard sur la pratique amateur ?

La pratique amateur collective est très importante et il faut la prendre au sérieux : ce n’est pas parce que c’est amateur qu’il ne faut pas travailler, car d’autres travaillent, c’est un collectif. Le collectif fait plus progresser le musicien que l’individuel, y compris pour les professionnels : on joue ensemble. Même en tant que professionnel, j’ai continué à aller jouer à l’harmonie de mon petit village, où il y a 16 musiciens, je faisais tous les instruments et c’était un plaisir. En amateur, il n’y a pas de pression, c’est un collectif très fort, un peu comme une équipe de foot : on prend le bus ensemble pour aller jouer, cela crée des liens.

Je suis également professeur dans une école, et je vois que les jeunes font de moins en moins de la pratique collective, ils trouvent peut-être l’orchestre de village un peu vieillot, mais c’est dommage. Dans l’école où j’enseigne, nous avons rendu l’ensemble de percussions obligatoire, et on se rend compte que les élèves apprécient. J’espère que cela va les inciter à faire de la pratique collective. Nous réfléchissons aussi à développer un département cuivres et faire des orchestres juniors. Avec le Brass Band des Pays de la Loire, nous avons fait un gros projet pédagogique départemental avec les jeunes, dans le cadre du festival Scène de Pays, dans une grande salle, avec 100 élèves sur scène, trois pièces dans trois styles différents (fanfare, musique africaine, variété) afin de montrer aux parents qu’on peut jouer plein de choses et pas uniquement de la fanfare… Nous avons fait travailler les élèves sur une journée puis ils ont joué en première partie de concert. Lors du dernier concert, nous avons réuni tous les élèves, qui ont joué une pièce que j’avais composé pour eux, avec le brass band. L’expérience a été formidable. Nous réfléchissons donc aussi à développer un stage, sur une semaine, ou tous les mois, pour insuffler cette envie de faire de la pratique collective, car si dès le plus jeune âge les enfants prennent plaisir à jouer ensemble, ils continueront une fois adultes. C’est ce que je retiens de mes années d’orchestre junior : jouer avec les copains. Il faut réussir à dynamiser à travers des projets, il faut motiver, malheureusement les collectivités ne mettent pas forcément les moyens sur la pratique collective… Pourtant, il y a suffisamment d’élèves pour remplir les harmonies.

Avez-vous une ou deux anecdotes qui vous ont marqué ?

Je retiens particulièrement la victoire du Brass Band des Pays de la Loire à Amboise. Je venais d’arriver, le brass existait depuis 20 ans et n’avait pas gagné de prix depuis longtemps. Ce jour-là a été formidable. Lors du concours, je leur avais demandé de chanter la marche, avec beaucoup d’intensité, comme s’ils avaient l’instrument. Après les résultats ils continuaient à chanter dans le stage tellement ils étaient heureux !

Évidemment je retiens aussi le Championnat de France en 2020 où nous avons joué une de mes compositions. C’était absolument incroyable.

Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?

J’espère que la pièce sélectionnée par le Cory plaira et qu’elle sera jouée. J’espère continuer à composer et me faire connaître. Le concours de composition du Cory Brass Band est aussi une excellente opportunité pour rencontrer de grands musiciens et se faire connaître.

Et puis j’aimerais beaucoup travailler avec un brass, français ou étranger, d’un niveau plus élevé, pour une session, en tant par exemple que chef invité.

Le Brass Band des Pays de la Loire

Créé en 1996, le Brass Band des Pays de la Loire (BBPL) est l’un des plus anciens Brass Band Français.

A son origine, Jean-Claude Baulin, professeur de trompette au CRR d’Angers, et Eric Grelier, premier président, ont souhaité développer cette formation d’origine anglo-saxonne et méconnue en France, dans le but de promouvoir la musique s’articulant autour des instruments de la famille des cuivres.

Le BBPL regroupe de talentueux instrumentistes, professionnels, amateurs éclairés et grands élèves des CRR de la région.

L’enthousiasme de ses musiciens et l’aventure humaine partagée au travers des concerts, master class et concours, apportent à l’ensemble une dynamique communicative auprès de tous les publics.

Le potentiel musical du BBPL est indéniable. Cette envie de porter encore plus haut nos ambitions et nos projets, passe par la formation. Pour cela, nous invitons régulièrement, des solistes et chefs d’orchestres reconnus dans l’univers Brass Band…

Le Brass Band des Pays de la Loire est en résidence au centre culturel de Montjean sur Loire (49).