Propos recueillis par Caroline Rainette
15 février 2022
Née en 1990, Camille Pépin est l’une des compositrices les plus prestigieuses de sa génération. Elle étudie au Conservatoire à Rayonnement Régional d’Amiens, puis au Pôle Supérieur de Paris où elle étudie l’arrangement avec Thibault Perrine, et au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris où elle obtient cinq premiers prix (orchestration, analyse, harmonie, contrepoint et fugue & formes). Elle apprend notamment auprès des compositeurs Thierry Escaich, Guillaume Connesson et Marc-André Dalbavie qui ont particulièrement marqué son parcours musical.
Racontez-nous votre parcours
J’ai commencé le piano à l’âge de 6 ans à l’école de musique d’Ailly-sur-Somme. Je voulais faire du piano car durant mes cours de danse classique, un pianiste nous accompagnait et j’étais fascinée par ce qu’il faisait. Mais assez rapidement, l’envie d’écrire est apparue et mon professeur de solfège, Rodolphe Pierrepont, a ouvert une classe d’écriture dans cette école de musique. J’ai écrit ma première pièce vers 13 ans dans le cadre de cette classe !
Parlez-nous de votre travail de composition
Je compose à la fois à la table et au piano. Le piano est un outil de travail au début de mon travail sur une œuvre, il me sert à improviser, à trouver mon matériau musical. Puis je m’en éloigne et alors le travail devient plus intérieur. Je porte la pièce et son matériau avec moi, dans ma tête pour les notes, dans le corps pour le rythme et les émotions jusqu’à la barre de mesure finale. Une idée musicale germe et doit avoir le temps de mûrir.
Quant à mes sources d’inspiration, elles sont souvent liées à la nature et à la peinture. Je trouve dans la nature une beauté inégalable et mon équilibre personnel. Et aussi des couleurs, comme dans la peinture !! J’adore travailler les textures et les couleurs en musique et les idées musicales me viennent toujours des textures et couleurs présentes dans la nature ou les œuvres des peintres (par exemple, Jackson Pollock ou Fabienne Verdier).
Parmi mes compositeurs et compositrices préféré.e.s, il y a John Williams, Marc-André Dalbavie, Steve Reich, Jenifer Higdon, Bartok, Debussy et Stravinsky.
Parlez-nous de la place des femmes dans la composition.
Je suis fascinée par le travail de Jenifer Higdon depuis une dizaine d’années. Elle a un parcours qui me touche beaucoup, et c’est une orchestratrice vraiment incroyable !
Le sujet des femmes dans le milieu de la composition ou de la direction d’orchestre est très délicat. Il faut d’une part réparer les injustices du passé (de nombreuses compositrices talentueuses n’ont pas été jouées de leur vivant ou alors très peu) et d’autre part, il ne faut pas jouer les œuvres composées par des femmes uniquement parce qu’elles sont des femmes (ça n’est jamais venu à l’esprit de quelqu’un de jouer des œuvres parce qu’elles ont été composées par des hommes…).
L’équilibre est délicat à trouver. Je pense toutefois que nous les compositrices vivantes, sommes plus chanceuses que celles qui nous ont précédé. Nous avons des modèles (Saariaho, Jolas, Higdon, Beach), et les interprètes de la jeune génération ont à cœur de faire découvrir les œuvres des compositrices car les enseignants les intègrent maintenant à leurs cours au conservatoire.
Que pensez-vous de ce projet d’enregistrements collectifs ?
Je trouve le projet formidable et très important. L’arrivée du numérique est un outil essentiel aujourd’hui, tant qu’il ne remplace pas le live qui est au cœur de notre pratique !
Racontez-nous votre expérience d’arrangement de l’œuvre de Saint-Saëns pour brass bands !
J’ai réalisé cet arrangement avec l’aide d’Éric Brisse, professeur de cor au CRR d’Amiens et chef d’orchestre de l’OCA. Étant une enfant du nord de la France, la famille des cuivres a toujours compté pour moi. Cet arrangement a notamment été donné dans le cadre d’un concert sur la transcription/l’orchestration pendant mes études au Conservatoire d’Amiens. J’ai eu beaucoup de chance d’avoir pu orchestrer pour l’OCA car cela m’a permis d’apprendre beaucoup pour mon métier. Chaque jeune compositeur.trice devrait avoir ce genre d’occasion !
Vers la victoire de Camille Saint Saëns, arrangé par Camille Pépin
Quel est votre regard sur la pratique amateur ?
Elle est tout simplement essentielle pour tous les gens qui adorent la musique et qui veulent continuer à jouer pendant leurs études, après leur journée de travail, etc. La musique adoucit les mœurs et c’est aussi une grande famille. Elle permet de partager beaucoup sans dire beaucoup. C’est précieux dans un monde comme le nôtre. À vrai dire, les pratiques amateur et professionnelle procurent le même plaisir.
Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
De continuer à vivre pour la musique !