Propos recueillis par Caroline Rainette
15 avril 2022
Percussionniste et corniste, Damien Grimault est professeur de percussion à la Communauté de Communes de Châteaubriant-Derval. Il a joué dans de nombreux orchestres des Pays de la Loire. Musicien passionné par la pédagogie, il dirige aujourd’hui le West Brass Band depuis juin 2021.
Racontez-nous votre parcours
Je suis issu du milieu rural, mon père était agriculteur et trompettiste amateur. Il souhaitait que je fasse moi aussi de la trompette – ce que j’ai fait un peu à regret car j’étais plutôt attiré par la batterie – et j’ai commencé dans une école de musique associative près de Cholet, qui comportait aussi un orchestre d’harmonie dans lequel mon père jouait. Un an plus tard, l’appareillage dentaire m’a remis sur le chemin de la batterie, et c’est ma sœur qui a repris avec brio la trompette quelques années plus tard en devenant elle aussi professionnelle. Très tôt j’ai intégré deux harmonies locales, dirigées par d’excellents chefs. Le répertoire y était très éclectique : classique, harmonie, musique de films, dessins animés, swing… Cela m’a marqué, et c’est aussi cette diversité que je transmets aujourd’hui, car chaque répertoire apporte quelque chose de bénéfique à travailler pour l’orchestre.
Quelques années plus tard, sur les conseils de mon professeur, j’ai intégré le conservatoire de Cholet pour y aborder les percussions classiques (timbales, claviers), tout en poursuivant les cours de batterie et en jouant au big band du conservatoire.
Je ne me destinais alors pas à la musique, mais à devenir ingénieur en informatique. Mon bac scientifique en poche, il a fallu choisir, et c’est la passion qui l’a emporté.
En parallèle de mes études en percussions classiques entre les conservatoires de Cholet, Angers et Boulogne-Billancourt, je me suis très tôt totalement investi dans mes classes, j’ai beaucoup réfléchi à la pédagogie et à la psychologie de l’enfant. Je travaille toujours avec bienveillance et sur des répertoires variés, qui motivent les classes. C’est évidemment un bonheur de voir les progrès et le plaisir de jouer chez mes propres élèves. D’ailleurs, plusieurs de mes anciens élèves sont devenus professionnels.
À 24 ans, étant un immense fan de la musique de John Williams, j’ai débuté le cor en autodidacte. Trois ans plus tard, j’ai intégré la classe de François Mérand au conservatoire de Nantes. C’est non seulement un musicien extraordinaire, et ce fût une rencontre humaine formidable ! Ma rencontre avec cet instrument répondait à une partie de ma sensibilité qui va plus vers le symphonique ou le lyrique, complémentaire au répertoire de percussions que l’on étudiait alors dans les années 80, plus axé musique contemporaine. Depuis cette période le répertoire des percussions s’est progressivement énormément enrichi en s’ouvrant vers d’autres esthétiques, et c’est une excellente chose !
En parallèle de mes études au conservatoire de Nantes, j’ai commencé à enseigner, à temps plein, dans 8 écoles associatives autour de Cholet. Je me suis créé tout un réseau, et j’ai alors été jouer dans énormément d’orchestres d’harmonie de la région, en Maine-et-Loire, Loire-Atlantique et en Vendée, développant ainsi très vite mon « métier d’orchestre ». À défaut d’avoir reçu moi-même un enseignement de qualité, le fait de devenir pédagogue, métier pour lequel je me suis découvert petit à petit une vocation voire une prédisposition naturelle, m’a fait moi-même énormément progresser. Donc contrairement à la plupart qui n’ont qu’une spécialité, et qui ont connu un parcours rectiligne au sein des conservatoires, je suis donc plutôt un self-made-man enrichi par le terrain !
Acharné de travail, réfléchissant énormément sur l’apprentissage de la musique, musicien polyvalent (percussionniste, batteur tous styles, corniste), mais aussi arrangeur (notamment de grands ensembles de percussions), et maîtrisant la MAO (mixage, mastering), en 20 ans j’ai largement rattrapé mon retard, et aujourd’hui j’ai plusieurs cordes à mon arc ! Ce parcours sinueux et atypique est aussi une grande richesse et m’a apporté une capacité d’adaptation quel que soit le style musical : classique, contemporain, jazz, latin ou pop, de la musique de chambre aux grands orchestres.
Pendant plus d’une vingtaine d’années, j’ai été percussionniste au sein de l’orchestre d’harmonie Nantes Philharmonie, sous la direction de Frédéric Oster. J’ai aussi participé par le passé à des big bands, groupes de jazz, orchestres de variétés et fanfares de rue type new-orleans ou balkan.
Actuellement je suis professeur d’enseignement artistique percussion à la Communauté de Communes Châteaubriant-Derval, où j’enseigne principalement les percussions classiques, la batterie. J’ai aussi quelques élèves en cor, et je dirige l’orchestre d’harmonie cycle 2-3 depuis 3 ans.
Par le passé, j’ai encadré les percussions aux stages d’orchestres d’harmonie de Loire-Atlantique, lesquels n’existent malheureusement plus. J’encadre depuis une dizaine d’années le pupitre de percussions du stage d’orchestre d’harmonie organisé par la CMF Vendée, dirigé par Julien Tessier, précédent directeur musical du West Brass Band. J’encadre aussi depuis 25 ans le pupitre de percussions de l’Orchestre Harmonique de Cholet lors des stages annuels, dirigé par Hervé Dubois.
Je suis percussionniste au West Brass Band depuis sa création, en 2013. J’en ai également été le président, et j’en suis le nouveau chef depuis juin 2021. Il s’agit de ma première véritable expérience en tant que chef d’orchestre, et cela s’est fait un peu de manière fortuite. Nous réfléchissions à qui pourrait en prendre la direction, et n’étant pas subventionnés, nous avons décidé de proposer la fonction aux musiciens de l’orchestre. Par hasard, en septembre 2020, le chef m’a demandé de le remplacer sur certaines répétitions. Cela s’est très bien passé, et c’est ainsi que les choses se sont faites, naturellement. C’est une super expérience !
Je suis également corniste du récent quintette de cuivres Eclectik Brass, avec les professeurs de Nantes et d’Angers. Et il m’arrive parfois d’être supplémentaire en percussions avec l’Orchestre National des Pays-de-la-Loire.
Pouvez-vous nous parler de votre expérience avec les orchestres amateurs ?
J’ai beaucoup travaillé (et je travaille encore) avec les orchestres d’harmonie de la région, aux percussions ou au cor, en Maine-et-Loire, Loire-Atlantique et en Vendée. J’aime apporter mon soutien de professionnel au monde amateur. En effet, dans les orchestres amateurs l’aspect intergénérationnel et la mixité sociale, sans esprit de compétition, sans jugement de valeur, sont fondamentaux. Il y a peu de disciplines qui permettent tout cela. Les amateurs sont capables de se surpasser, de donner le meilleur d’eux-mêmes au service d’une passion commune, d’un amour commun de la musique, de se transcender grâce à la force collective du groupe.
Je préfère le terme anglophone « conductor », qui résonne chez moi comme celui de guide : indiquer la bonne voie aux musiciens
Je préfère le terme anglophone « conductor », qui résonne chez moi comme celui de guide : indiquer la bonne voie aux musiciens
Quel répertoire allez-vous faire travailler à l’orchestre, et comment avez-vous choisi les œuvres pour le concert du congrès ?
Dans notre région Pays-de-la-Loire, il y a une forte, historique et quasi-exclusive tradition d’orchestre d’harmonie. Il existe très peu de brass band, excepté le Brass-Band des Pays-de-la-Loire, qui fête ses 25 ans d’existence et qui est dirigé depuis quelques années d’une main de maître par Hans Loir, spécialiste de ce domaine. Le West Brass est né en 2013, mais il a mis quelques années pour atteindre un effectif minimum à peu près homogène. Si on ajoute à cela les deux années blanches qui viennent de s’écouler, on peut dire que le West Brass Band est un brass vraiment très jeune et encore quelque peu inexpérimenté, mais qui est appelé à se révéler dans l’avenir car il y a un grand potentiel chez ses musiciens.
Comme tous mes collègues du West Brass Band (environ 90% d’enseignants, 5% d’amateurs et 5% d’étudiants), nous avons donc une culture d’orchestre d’harmonie, et pas intrinsèquement une culture brass band. Nous découvrons cette dernière progressivement : une esthétique sonore et un répertoire spécifique, un type de jeu collectif. Personnellement, j’en découvre même un nouvel enjeu à chaque répétition !
N’ayant pas cette culture brass et étant ouvert à tous les styles de musique, je ne ferme aucune porte, bien au contraire, car chaque style apporte ses bienfaits pour l’orchestre et crée de la variété pour le public. Par exemple, en amoureux inconditionnel du répertoire symphonique, j’apporte mon lot d’arrangements : j’ai fait un arrangement de l’adagio de la Symphonie pour orgue de Camille Saint Saëns, et actuellement je travaille sur un arrangement des préludes de Liszt, en essayant d’être au maximum fidèle à l’original. J’arrange aussi de la pop : récemment nous avons joué Thriller de Michaël Jackson.
Contrairement aux traditions du brass, au West Brass Band, nous ne sommes pas dans l’optique de la compétition, donc peu enclins aux concours. Certes ces événements permettent de progresser rapidement, mais personnellement je pense que l’excellence se construit aussi sur le long terme, au fil des répétitions, dans une ambiance agréable et la bonne humeur, ce qui n’est absolument pas incompatible avec le sérieux, ni contradictoire à l’exigence musicale. La progression doit se faire par étapes, avec un travail précis, exigeant à chaque instant, et surtout de longue haleine. Personnellement, j’ai beaucoup appris en étant percussionniste dans les orchestres : c’est un poste où on ne joue pas tout le temps, où on a une vision large de l’orchestre, où on entend tous les pupitres, où on peut vraiment observer le travail du chef, j’ai ainsi moi-même beaucoup appris.
Au fil des années, j’ai su associer mon impatience naturelle à mon perfectionnisme, pour me forcer à être un meilleur pédagogue, pour que mes remarques soient plus judicieuses et cibléés et que mes conseils soient d’une efficacité immédiate. Je suis peut-être actuellement plus pédagogue que chef d’orchestre au West Brass Band. D’ailleurs je préfère le terme anglophone « conductor », qui résonne chez moi comme celui de guide : indiquer la bonne voie aux musiciens. Côté directeur musical, l’aspect programmation et projets est nouveau pour moi.
Comment avez-vous vécu cette période de crise sanitaire ?
Notre activité a été complètement mise à l’arrêt, nous avons été 911 jours sans concert… Nous devions monter un concert d’envergure avec l’Éducation Nationale, cela a été d’abord reporté, puis abandonné.
Nous n’avons véritablement repris nos répétitions que depuis juin 2021, avec par la même occasion un changement de chef d’orchestre. La première répétition était super, nous étions tellement heureux !
Depuis le Covid, notre effectif a énormément évolué en raison de l’arrivée de nouveaux musiciens, heureusement plus nombreux que les départs. Globalement 30 % de l’effectif de l’orchestre s’est renouvelé. L’effectif est d’ailleurs désormais (et enfin, au bout de 9 ans !) quasiment complet et stable : il manque actuellement seulement un cornet et un percussionniste.
Pour ce redémarrage, j’ai donc axé mon premier objectif sur un travail de fond, et particulièrement sur la cohésion du jeu collectif par la fluidité rythmique et la précision de la verticalité. Cela commence à porter ses fruits. J’ai créé de nombreux exercices de gammes et d’accords, de chorals, dans le but d’améliorer la justesse et l’homogénéité des sons de pupitres. J’essaie également d’améliorer l’équilibrage du spectre sonore global de l’orchestre et petit à petit à élargir la palette des dynamiques. L’exactitude, quelle qu’elle soit, n’est évidemment pas une finalité, j’attache forcément beaucoup d’importance à la musicalité, au caractère de l’expressivité et au phrasé. Pour parfaire le jeu, à l’avenir, nous allons encore plus développer le travail de pupitre. Je parle aussi beaucoup aux musiciens en termes de conceptions : en effet, les percussionnistes par exemple n’ont pas du tout la même conception qu’un instrumentiste à vent. Le second pensera en termes de durée de note, quand le premier sera concentré sur l’instant et décomposera tout pour placer ses temps. Ceci permet aux musiciens de comprendre comment les choses s’agencent dans l’orchestre, ce qu’entend le chef.
Maintenant que l’orchestre est enfin au grand complet et plus stable, un enregistrement va s’imposer, afin d’améliorer notre visibilité. Il nous faut aussi continuer les opérations de promotion des cuivres dans notre région, par des actions éducatives en lien avec les écoles de musiques, conservatoires et orchestres d’harmonies, ainsi que l’Éducation Nationale.
Pour finir, avez-vous une anecdote à nous raconter lors de votre carrière, qui vous a marqué, ému ou amusé ?
Les années 2018-2019 ont été marquantes par leur densité et leur intensité, notamment avec notre première participation au Championnat National de Brass Band organisé par la CMF. Ce fût aussi une période de concerts dans quatre des plus belles salles de 500 à 1000 places de Loire-Atlantique, de Maine-et-Loire et de Vendée.
Aujourd’hui, petit à petit, nous retrouvons une cohésion humaine et musicale, et nous sommes particulièrement heureux et honorés d’avoir été conviés par la CMF dans le cadre de son congrès national 2022.
West Brass Band
Le West Brass Band, fondé en 2013, est un orchestre de cuivres et percussions placé sous la direction de Julien Tessier.
Constitué de musiciens amateurs et professionnels, d’enseignants, de jeunes étudiants et de retraités musiciens, le West Brass Band est né en septembre 2013. Sous la direction musicale de Julien Tessier, l’ensemble est devenu un acteur majeur rayonnant sur la Loire-Atlantique, le Maine-et-Loire, la Vendée et les Charentes, grâce à un répertoire alliant tout type d’esthétiques musicales : non seulement des pièces du répertoire de brass band, mais également des transcriptions d’oeuvres symphoniques.
Plusieurs membres de l’ensemble ont pu s’illustrer en tant que soliste, en interprétant plusieurs pièces concertantes, notamment de Philip Sparke ou de Bert Appermont. En juin 2015, le West Brass Band a obtenu un 2e prix en 1re division, ainsi qu’un 1er prix pour la meilleure soliste, Amélie Heurtin, à l’Open de France de Brass Band d’Amboise. Il a également accompagné des solistes : Bastien Baumet (euphonium, soliste international), Alexis Demailly (cornet solo de l’Opéra de Paris), Anthony Galinier (saxhorn alto solo du Brass Band de la Musique de l’Air). Il participe régulièrement à La Folle Journée de Nantes.
Actuellement, les membres du West Brass Band qui sont pour la plupart enseignants, commencent à poser les jalons d’un nouveau stage de Brass Band qui devrait voir le jour la première semaine des vacances de la Toussaint à la Roche-sur-Yon. Il sera ouvert aux élèves à partir de la fin de 1er cycle jusqu’aux 3ème cycle et sera sous l’égide de la CMF Vendée.