Propos recueillis par Caroline Rainette

15 avril 2022

Née en Hongrie, Gabriella Boda est diplômée du Conservatoire National Supérieur de Debrecen. Elle est titulaire du prix Kodaly, chevalier des arts et des lettres pour sa contribution à la diffusion de la culture française (1999), prix Pro Musica Hungarica (2011) pour l’énergie, l’enthousiasme et la compétence qu’elle a mis au service de la musique. En 2005 lui a été décerné le titre de Professeur honoraire au Conservatoire National de Musique de Chine de Pékin. Au Maroc, elle a enseigné et dirigé plusieurs chœurs, fait connaître Mozart et les grands compositeurs européens à Pékin et New-Delhi, dirigé des chœurs chinois et indiens (Chœur francophone de Pékin, Capital City Minstrels de Delhi), travaillé avec de très grands chefs de chœur d’enfants et d’adultes reconnus sur le plan international. Le chœur d’enfants de l’Orchestre de Paris l’a sollicité pour le perfectionnement de ses chanteurs en musique hongroise, en vue d’un concert à la Philharmonie de Paris. De 2010 à 2020, elle a dirigé le Chœur Départemental de la Sarthe, dont elle dirige le concert au Congrès 2022 de la CMF. Elle enseigne actuellement à Suresnes dans les écoles et au conservatoire. Elle a été nommée fin décembre 2021 chevalier de la Légion d’honneur.

Racontez-nous votre parcours

Je suis née en Hongrie, de parents mélomanes et musiciens amateurs : mon père était pasteur et chantait pendant l’office, et ma mère était l’organiste de l’église. J’ai commencé la musique à 4 ans, cela faisait partie de l’éducation hongroise. A l’âge de 16-17 ans, une radio a diffusé un concours sur « Liszt et son époque ». Je me suis beaucoup investie en y participant et cela m’a énormément appris sur la culture musicale, au point de me donner envie de devenir enseignante, ce que j’ai fait en passant mon diplôme de cheffe de chœur. J’ai fait également du piano, mais je ne me voyais pas soliste, je préférais chanter. J’ai commencé à l’Eglise avec les psaumes, et enfant dans la chorale de mon école primaire, c’est donc tout naturellement que je me suis dirigée vers le chant.

Plus tard, j’ai vécu 20 ans au Maroc, où je donnais des cours de musique classique, de piano, solfège et accompagnement musical. Quelques années après je me suis installée en France, où j’ai commencé à travailler avec le Chœur des enfants de l’Opéra de Paris. Je suis ensuite partie 4 ans en Chine, puis 4 ans en Inde, continuant à enseigner la musique, à créer des chorales, monter des opéras, avec des enfants de la rue, des enfants aveugles, etc. A mon retour en France en 2010, j’ai pris la direction du Chœur Départemental de la Sarthe (que j’ai quitté l’année dernière), la direction de la Maitrise de Trappes (78). J’interviens également dans les classes et le conservatoire de la ville de Suresnes (92), ainsi que sur divers projets de l’association APMSQ (Yvelines), qui vise à diffuser la musique classique principalement dans les écoles. L’objectif est de montrer que tout le monde a le droit d’accéder à la culture, que tout le monde est capable de chanter, que l’opéra n’est pas élitiste. En une dizaine d’années, c’est plus de 6000 enfants que nous avons fait chanter ! J’anime aussi un groupe de musicothérapie pour adultes. La musique est, comme ils disent, « leur rayon de soleil dans la semaine » ! Avec tous mes élèves, je travaille principalement avec la méthode Kodály, développée en Hongrie, et qui permet à tous de s’approprier la musique et d’apprendre à chanter juste.

Le chant nait de la joie, le chant donne la joie, le chant transmet la joie !

Parlez-nous de cette Méthode Kodály

Zoltan Kodály était un compositeur, ethnomusicologue et pédagogue du milieu du 20ème siècle. Il avait remarqué que les enfants chantaient très mal et manquaient de culture musicale, contrairement aux anciens. Il a ainsi lutté toute sa vie contre l’idée que la musique serait élitiste, en voulant élever le peuple par la musique et par le chant. Pour lui, l’enfant entre dans la musique par le chant, son propre instrument, grâce au folklore de son pays, ce qui lui permet de se découvrir et d’apprendre la culture de son pays. Kodály a donc inventé un système éducatif connu sous le nom de « Méthode Kodály », avec notamment du chant dès la crèche. Se basant sur la musique locale, il y a donc beaucoup d’adaptations de la méthode dans le monde, en fonction des particularismes, des folklores locaux. La musique appartient à tout le monde et tout le monde doit chanter. Aujourd’hui on trouve des instituts Kodály un peu partout, car c’est une méthode ludique, progressive, qui sort du système classique. Cependant, en France elle est encore peu répandue. En effet, elle utilise deux systèmes, relatif et absolu : les lettres alphabétiques et le do mobile (quand on est en fa majeur par exemple, on met le do à la place du fa). Ceci est très différent de l’enseignement français en conservatoire, même s’il y a des passerelles avec les polyrythmies, les polyphonies, les canons, les chants à deux voix. Ainsi, même si la méthode est un peu utilisée, elle n’est pas très répandue ni soutenue par le Ministère de la culture, contrairement à d’autres pays comme au Japon où en Angleterre, où beaucoup d’écoles utilisent cette méthode du do mobile et de l’apprentissage des éléments rythmiques par la pratique, les chansons, les thèmes de musique classique, et non par la théorie comme en France.

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Parlez-nous de votre expérience avec les chœurs amateurs

La chorale est un loisir où il n’y a pas d’ennemie, pas de rapport de force, et c’est un lieu qui est ouvert à tout le monde. Je viens récemment d’accueillir un monsieur de 87 ans qui n’avait jamais chanté. Il était enthousiaste à la fin de la répétition, c’est formidable ! Dans une chorale, on lutte contre l’exclusion, le stress, le mal être. Être dans un groupe est porteur de bien-être, d’attention, de plaisir, et de respect aussi. On fait partie d’une équipe, et pour elle on doit se dépasser, pour arriver à monter sur scène et chanter. La réussite est collective, par conséquent on transmet beaucoup d’énergie, positive, à tout âge. En un mot, chanter en groupe donne envie de vivre !

Chez les professionnels, la démarche et le résultat sont différents. Les chœurs professionnels ont une technique et une qualité de chant, mais ils peuvent être plus dans la routine, chantant par obligation, pour le salaire. Les motivations sont différentes, et bien sûr cela dépend aussi du chef de chœur et du projet. Avec les amateurs, on essaie de donner des outils pour approcher les professionnels, on est dans l’apprentissage, le travail est plus lent, mais le bonheur est immense !

Le Chœur Départemental de la Sarthe comprend environ 70 choristes, des personnes de tous âges, avec une majorité au-dessus de 60 ans, et quand même de plus en plus de jeunes ! Mais il nous manque toujours des hommes, surtout des ténors.

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Quel répertoire faites vous travailler à vos ensembles, et comment avez-vous choisi les œuvres pour le concert du congrès ?

Je fais surtout travailler un répertoire classique. Le Chœur Départemental de la Sarthe a toujours pu faire un grand concert chaque année., avec un oratorio, une cantate…, toujours de grandes œuvres. Nous allons également dans les villages sarthois, jouer des extraits d’opéras, des opérettes, des musiques de Mozart, mais aussi un répertoire un peu plus varié (baroque, renaissance, romantique, folklore). Nous avons toujours reçu un magnifique accueil, et en plus du concert nous racontons l’histoire des musiques que nous chantons, nous faisons connaître certaines œuvres.

Pour le congrès, le répertoire a en réalité été choisi il y a deux ans. Je devais en effet faire mon concert d’adieu au Chœur Départemental de la Sarthe, avec deux Magnificats, car quand on décide de partir on ne fait pas un requiem mais on chante la joie de vivre ! En raison du Covid, cela n’a pas pu se faire. Avec ce concert pour le congrès de la CMF, nous allons donc enfin finir le travail commencé sur ces œuvres, et je suis ravie de retrouver le Chœur, mes amis, deux ans après. Ils ont fait des progrès spectaculaires, à la fois individuellement et en groupe.

Comment avez-vous vécu la période Covid ?

C’était une période très difficile. Donner des cours de chant en visio est loin d’être évident, pendant les cours de solfège certains enfants s’endormaient devant l’écran… Mais il était important de garder le contact avec tous. Avec le Conservatoire de Suresnes et les enfants de Trappes, nous avons fait quelques vidéos confinées.

A la reprise, il a fallu chanter avec le masque, ce qui là encore est très compliqué… J’admire les choristes, qui respirent leur propre air pendant toute la durée de la répétition. C’est très frustrant par ailleurs pour les diriger, c’est un non-sens de dire comment ouvrir la bouche, comment placer les sons, la position de la mâchoire, jouer avec les expressions, quand la moitié du visage est couvert… De même les choristes ont besoin de me voir, de me suivre, d’imiter mes mimiques. Ainsi, pour diriger je prends plus de distance et j’enlève le masque.

Pour finir, avez-vous une anecdote à nous raconter lors de votre carrière, qui vous a marqué, ému ou amusé ?

Quand je vivais en Inde, nous avons décidé de monter Carmen avec des enfants aveugles et des chanteurs et danseurs indiens qui ne savaient ni lire la musique, ni parler français. Cela a demandé énormément de travail, mais on a réussi, et à la fin tout le monde a pleuré de joie, c’était extraordinaire. Avec les concerts et le chant, on surmonte les difficultés, on se fabrique des souvenirs !

Le 1er janvier 2022, Gabriella Boda a été promue au grade de Chevalière de la Légion d’Honneur par le Président de la République Emmanuel Macron. Le 16 février, elle a reçu à Trappes (78) cette décoration des mains de Madame Nadia Hai, Ministre déléguée à la Ville.

Née en Hongrie en 1958, Gabriella Boda, fille d’un pasteur et d’un(e) médecin, est diplômée du Conservatoire National de Debrecen à la suite d’études poussées en direction de chœur, pédagogie et piano. Elle devient chef de chœur, professeur de formation musicale et de chant, et sous toutes les latitudes met son énergie, son charisme et ses compétences au service de la musique et de la promotion de la méthode Kodály. C’est l’ensemble d’une carrière atypique longue de 41 ans et son engagement pour l’éducation chorale des enfants de la banlieue parisienne qui lui ont valu cette décoration, proposée par Nadia Hai, Ministre déléguée à la Ville, et par Roselyne Bachelot, Ministre de la Culture.

Ses liens avec le mouvement A Cœur Joie datent de 1995 : Marcel Corneloup, alors Président d’A Cœur Joie International, la nomme « Déléguée A Cœur Joie au Maroc » et l’associe au projet de formation chorale des futurs professeurs de musique marocains. Avec Yves Parmentier, elle contribue à la création du Chœur National du Maroc, et accueille avec son second mari, Alain Rechner, la Cigale de Lyon et l’ensemble A Capella pour deux tournées exceptionnelles en 1997 et 1998. Le chœur d’enfants de la Chanterie de Rabat participe aux Choralies de Vaison-la-Romaine.

Par la suite, ayant été investie par le Président de la Hongrie de la mission de « répandre la méthode Kodály de par le monde », après quatre ans passés à la Maîtrise des Hauts-de-Seine, chœur d’enfants de l’opéra de Paris, elle poursuit son activité en Chine puis en Inde, pays où son mari est en charge du réseau de l’Alliance Française entre 2002 et 2010. Avec le Conservatoire National de Musique de Chine elle forme les futurs chefs de chœurs chinois, et avec la Fondation Neemrana, elle dirige les chœurs d’opéras à New-Delhi.

Rentrée en France en 2010, elle s’implique dans le domaine associatif. Pendant 10 ans, elle est chef de chœur pour le « Chœur Départemental de la Sarthe » et « Les chœurs de la Pléiade » (Elancourt). En parallèle elle fonde pour l’Association Pour la Musique à Saint Quentin-en-Yvelines (APMSQ) la Maîtrise de Trappes et participe avec plusieurs chefs d’orchestre, dont Pierre Calmelet, à la réalisation annuelle d’un grand spectacle mettant sur scène près de 300 enfants des écoles de Saint-Quentin. Depuis 2019, elle est chargée de faire chanter les enfants des écoles et du conservatoire de Suresnes (92).

Spécialiste très expérimentée de la « méthode Kodály » qu’elle pratique depuis son enfance, elle en fait partout la base de sa pédagogie et de la formation qu’elle dispense aux professeurs de musique et aux chefs de chœurs, en France, en Egypte, Tunisie, Maroc. Elle réussit particulièrement à bien motiver et à faire progresser les publics scolaires, notamment dans les quartiers difficiles, les enfants handicapés ou autistes, les personnes malades, en leur faisant redécouvrir leur patrimoine musical et en les ouvrant à des créations classiques et contemporaines.

Chef de chœur et pédagogue reconnue en France comme en Hongrie, Gabriella Boda-Rechner a reçu de nombreuses distinctions hongroises et françaises : Prix Kodály (1988), Chevalier des Arts et Lettres (1999), Pro Cultura Hungarica (2010), Croix d’or du Mérite de Hongrie (2019), et Chevalier de la Légion d’Honneur (2022). Elle a deux fils musiciens : Marouan, pianiste, et Yanis, chanteur lyrique et chef de chœur.

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Le Chœur Départemental de la Sarthe

Le Chœur Départemental depuis ses débuts

Soutenu depuis sa création en 1993 par le Conseil départemental de la Sarthe, le «Chœur Dep’» a interprété les plus belles œuvres du répertoire vocal (Mozart, Verdi, Beethoven, Brahms) mais aussi des œuvres contemporaines comme l’Ethnomass de Maierhofer aux rythmes jazzy, sans oublier l’opérette (La Mascotte d’Audran) ou des chœurs d’opéra.

Le Chœur rassemble aujourd’hui une soixantaine de choristes amateurs expérimentés. Dirigé à sa création par Yves Parmentier, sa direction a été ensuite assurée de 2010 à 2020 par Gabriella Boda. Il est maintenant dirigé par Yanis Benabdallah.

Ses répertoires variés lui ont permis de se produire à Nantes, Laval, Senlis, Paris ( St-Roch, La Madeleine, Opéra Comique) et bien entendu au Mans où Il a participé à plusieurs reprises au festival de l’Abbaye de l’Épau.

En juillet 2018 il a donné le Requiem de Brahms en l’église St Aldric au Mans, en ouverture du festival Musica Le Mans.

Dans le cadre des Automnales 2019, le Chœur a interprété, associé au chœur Résonnances, la Grand Messe en Ut mineur de Mozart, accompagné par le Paris Mozart Orchestra dirigé par Claire Gibault en la cathédrale du Mans.

Le Chœur Départemental chante également dans les salles ou églises de nombreuses communes de la Sarthe avec pour vocation de toucher, grâce à un répertoire adapté au grand public, aussi bien les mélomanes avertis que les personnes moins habituées des lieux de concert.

Le Chœur Départemental aujourd’hui et demain

L’ensemble est soutenu par le Conseil départemental de la Sarthe.

Constitué d’une soixantaine de choristes, il a repris ses activités artistiques suspendues pendant la pandémie de février 2020 à octobre 2021, avec un nouveau chef de chœur, Yanis Benabdallah, et toujours accompagné par le pianiste Bruno Puren.

Le foyer d’hébergement de l’ADAPEI, La Maisonneraie à Coulaines à côté du Mans, nous accueille maintenant chaleureusement. C’est là que dans de bonnes conditions nous préparons nos concerts à raison de 3 à 4 répétitions mensuelles. Cette année sera marquée par des œuvres majeures : le Magnificat de Bach, celui de Rutter ainsi que par la Petite Messe Solennelle de Rossini.

Nous avons l’honneur d’être invités à donner un concert à Saumur le 29 avril dans le cadre du congrès annuel de la Confédération Musicale de France.

Suivra au Mans un concert exceptionnel avec orchestre de l’intégrale des deux Magnificat le 29 mai. La saison se terminera le 18 juin à Neufchâtel-en-Saosnois par une « Promenade en polyphonie » à l’invitation de la municipalité à l’occasion de la fête de la musique.

La prochaine saison est déjà en préparation avec un concert le 2 octobre organisé par les Amis de l’orgue de l’église de Fresnay-sur-Sarthe. Au programme : une sélection de pièces pour orgue et chœur, La Petite Messe de Rossini viendra clore l’année au Mans en décembre.

Outre notre chef de chœur attitré, certains de ces concerts seront dirigés ou codirigés par Gabriella Boda-Rechner.

D’autres projets sont en cours d’élaboration.

Cela traduit l’attachement du Chœur Départemental à participer à la promotion du spectacle vivant sur l’ensemble du territoire sarthois.