Hervé Brisse du Tuba aux Nuits Blanches
C’est avec une sincère émotion que nous évoquons Hervé Brisse disparu brutalement, le 21 février 2020.
Nombreux ont été les hommages rendus par la presse locale ou nationale et par des personnalités tels Martine Aubry ou Jean-Claude Casadesus avec qui il a travaillé durant de nombreuses années. Pour la CMF, Hervé Brisse était un musicien très engagé, membre actif du Conseil d’Administration, comme le Journal de la CMF l’a relaté à de nombreuses reprises dès le début des années 80. Dès 1980[1] le nom d’Hervé Brisse apparait dans une prestation du Quintette de Picardie, il y est alors jeune musicien tubiste au côté de son frère Éric. Issu d’une famille de musiciens, il est promis à une brillante carrière qui ne le coupera jamais des pratiques amateurs.
L’homme passerelle, celui qui établit le lien entre professionnels et amateurs
Hervé Brisse était un passeur d’expérience, une passerelle entre le grand professionnel et l’amateur passionné : « Je suis musicien à l’Orchestre symphonique de Lille et j’ai toujours gardé le contact avec les orchestres d’harmonie, mon père étant président départemental de la Somme. Et, chaque fois que j’ai un projet de rencontre entre musiciens amateurs et musiciens professionnels, ici dans le Nord, j’essaie de laisser une place à l’orchestre d’harmonie. Je travaille beaucoup sur la pédagogie, le travail d’ensemble et l’approche de l’orchestre. »[2]
En 1987, le journal relate sa participation « au concert de l’Harmonie de Marly-Gomont au cours duquel le musicien professionnel pouvait faire bénéficier de son expérience les musiciens amateurs et de la même façon s’enrichir aussi de la réalité de la pratique musicale amateur »[3].
Pour celui qui aime mettre du lien, déclencher des rencontres, le parcours sera étonnant de rectitude, de complémentarité et de logique.
L’homme rassembleur, celui des grandes manifestations
Inscrit dans les valeurs de partage de la CMF Hervé Brisse organise en 1994[4] sa troisième édition des tubas de Noël,pour l’inauguration d’Euralille : « Près de 100 000 personnes ont écouté et entendu tout ou partie du concert dirige par Hervé Brisse. C’était grandiose, magnifique, émouvant. La plus jeune tubiste (Audrey Charlet de Leffrinckoucke) n’avait que 8 ans et le plus âgé (René Lecomet de Vaulx Vraucourt) avait 70 ans ».
L’homme rassembleur l’est aussi parce qu’il sait travailler avec les acteurs des territoires. Les tubas de Noël de 1994 sont une coproduction entre la Fédération Musicale Régionale, l’Orchestre National de Lille, Euralille et la Ville de Lille.
Ce talent se confirme quand Hervé Brisse élargit son champ d’actions au fil des ans. En 2005, il crée Un monde en fanfare et, « Suite au succès de cette première édition, […] initiateur et directeur artistique du projet, [Hervé Brisse] et l’association Bazar, organisatrice de l’évènement, ont souhaité la reconduire en 2006. Le Conseil général du Nord a alors proposé sa réalisation dans deux villes du département. Afin de réaliser les objectifs de mixité et de passerelles et pour offrir au public une diversité de genres la plus élargie, plusieurs associations, structures, mairies de quartier, associations d’habitants ou de communautés ont été sollicitées : parmi celles-ci, pour Lille : Aventure Accordéon, Festival Wazemmes l’Accordéon, Sud Nord Évolution, Atakafa, la Compagnie du Tirelaine, le Faubourg des Musiques et le Conservatoire national de Région. Pour Roubaix : Le Festival de l’Amitié, La condition publique, Le Bal des Beaux dimanches, l’École nationale de Musique, l’École supérieure de Créatifs en Communication »[5].
Et, de fil en aiguille, en octobre 2019, la mairie de Paris lui confiera une partie de l’organisation de la grande parade lors des Nuits Blanches.
L’homme pédagogue
Transmettre, fédérer sont autant d’activités proches de la pédagogie, dont il semble qu’elle soit la première motivation de l’artiste.
La carrière du pédagogue s’est épanouie au cours des années, le CV s’étoffe, la reconnaissance est là, lui permettant de s’entourer brillamment : « En 1996 A l’initiative d’Hervé Brisse, tuba solo de l’Orchestre national de Lille, professeur au CNSM de Paris et membre du quintette Magnifies, et en collaboration avec Domaine Musiques Région Nord/Pas de Calais, les Rencontres internationales des cuivres à Lille sont en préparation pour avril 1997 du 16 au 20. Autour d’Hervé Brisse un collège constitué d’artistes de renommée internationale s’est constitué pour l’élaboration de cet évènement, citons: Clément Garrec et Guy Touvron (trompette), André Cazalet et Michel Garcin-Marrou (cor), Michel Becquet et Gilles Milliere (trombone), Yves Bauer et Frédéric Potier (trombone basse), Gérard Buquet et Fernand Lelong (tuba) »[6].
Au-delà de ses cours à Roubaix ou au CNSM Hervé Brisse s’investit aussi dans l’orchestre National d’harmonie des jeunes : « je suis très honoré de participer à cette session, d’autant que depuis quelques années étant musicien professionnel, je mets mon expérience au service des jeunes à chaque fois que je le peux. C’est d’autant plus un plaisir, que j’ai participé aux premières sessions de l’orchestre d’harmonie junior à Toucy dans les années 75 et j’en garde un souvenir extraordinaire. C’est là que j’ai pu concrétiser ce que j’avais appris dans les conservatoires et écoles de musique et cela m’a servi de tremplin vers la profession de musicien »[7].
Le rapport du congrès, 4 ans plus tard nous rappelle qu’ « à l’occasion du 15e anniversaire de l’orchestre national de Lille, dirigé par Jean-Claude Casadesus, l’orchestre junior de la Fédération régionale du Nord-Pas-de-Calais, dirigé par Hervé Brisse, a été invité à se produire dans le cadre des concerts donnés à cette occasion » : joli témoignage d’une volonté d’établir des relations entre les jeunes amateurs et les valeurs professionnelles.
Cette action sera pérenne et le Journal s’en fait l’écho à nouveau en 2003, 2008 et 2011.
L’homme artiste et la création
Infatigable défenseur du tuba, titulaire de nombreux prix internationaux, tuba solo à l’Orchestre National de Lille, membre des quintettes de cuivres Jean-Baptiste Arban et Magnifica, et tant d’autres titres, Hervé Brisse est passé régulièrement du pupitre de l’orchestre à l’estrade de chef. Il était également, et peut être surtout, un artiste et un créateur, toujours animé par la volonté d’explorer de nouvelles voies, comme en témoigne l’album Electro Wind Band de 2013, un projet audacieux réunissant des tubes de musique électro arrangés pour orchestre d’harmonie : « Depuis quelques années, je m’interroge sur la place et l’évolution de l’orchestre d’harmonie dans le paysage culturel d’aujourd’hui. Comment attirer, renouveler et fidéliser les publics, surtout les jeunes ? Comment maintenir l’engouement des musiciens au-delà de l’aspect social qui les réunit et avec quels répertoires ? Quelle image véhiculer ? Comment capter les média ? ».[8]
La réponse à ces questions passa surtout par l’échange, montrant encore une fois qu’on ne créé jamais vraiment seul: « Tout d’abord, se documenter, écouter, choisir les musiques, retenir celles qui supporteraient une orchestration puis s’appuyer sur des référents, afin de trouver les bons interlocuteurs ; dans l’aventure de la création, tout est souvent affaire de curiosité, de rencontres et de partage. ».
Hervé Brisse avait également une vision généreuse de la création : « Je dois d’ailleurs signaler que, certes, en tant qu’initiateurs, nous nous sommes réservés quelque temps la primeur de ce projet, mais que, dans un esprit de partage, d’autres harmonies de la région Nord Pas de Calais, comme pour la plupart des créations que nous entreprenons, ont maintenu eu l’occasion de le jouer. De même, pour tout autre harmonie qui serait intéressée, nous pouvons fournir les partitions et les conseils inhérentes à sa réalisation. »
La CMF est fière de cette collaboration fidèle, avec un grand musicien, un grand chef, un grand pédagogue, un grand homme. Nous aurions aimé vivre la musique ensemble, encore et encore…
[1] Journal de la Confédération Musicale de France n° 327, février 1980, p.20
[2] Journal de la Confédération Musicale de France n° 506, juin 2003, p.18
[3] Journal de la Confédération Musicale de France n° 408-409 mai 1987, p. 63
[4] Journal de la Confédération Musicale de France n° 456 février 1995, p.29
[5] Journal de la Confédération Musicale de France n° 526 octobre 2006, p.38
[6] Journal de la Confédération Musicale de France n° 465 août 1996, p.32
[7] Journal de la Confédération Musicale de France n° 539 décembre 2008, p. 9
[8] Journal de la Confédération Musicale de France n° 563 juillet 2013, p. 29