Bulletin CMF mars-avril 2019, p. 2-6
La loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a réformé la loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975. Ce nouveau texte vise à garantir l’égalité des droits et des chances pour les personnes handicapées et à assurer à chacun la possibilité de choisir son projet de vie.
Elle rappelle les droits fondamentaux des personnes handicapées tout en donnant une définition du handicap : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ».
- le droit à compensation des conséquences du handicap en établissement comme à domicile
- le droit pour tout enfant à être inscrit à l’école
- la réaffirmation de l’obligation d’employer au moins 6 % des travailleurs handicapés dans les entreprises de plus de 20 employés,
- l’amélioration de l’accessibilité de tous dans les actes de la vie quotidienne et la participation à la vie sociale
- la création des Maisons départementales des personnes handicapées.
Entretiens avec nos différents intervenants : Laurent Lebouteiller et Arlette Brison.
Laurent Lebouteiller, responsable du centre de ressources régional handicap musique-danse de Caen
Pouvez-vous nous parler de votre parcours musical et nous expliquer d’où vient votre intérêt pour le handicap dans l’enseignement musical ?
Je suis clarinettiste, de formation classique. J’ai étudié dans différents conservatoires, puis j’ai été enseignant en école de musique et clarinettiste au sein de l’orchestre des gardiens de la paix à Paris. Souhaitant m’orienter vers la direction, j’ai passé le concours de professeur chargé de direction, ce qui m’a conduit à diriger une école de musique en Normandie.
C’est à ce moment-là que j’ai été interpellé par le handicap. Alors que je dirigeais un orchestre à cordes, on m’a demandé d’organiser un concert au profit de l’association Autisme Basse-Normandie. Le succès a été immédiat et quelques mois après, j’avais l’étiquette « M. handicap » dans le Calvados. Or, à la même période, le hasard a voulu que le conservatoire de Caen bénéficiait d’un mécénat pour créer une œuvre musicale sur le principe de mixité avec personnes en situation de handicap. La direction m’a alors soumis le projet et c’est ainsi que, convaincu par la démarche, le Directeur du Conservatoire de Caen m’a demandé d’intégrer le CRR en 2010 pour développer un Centre de Ressources Handicap Musique Danse Théâtre.
Vous avez créé le Centre de Ressources Régional Handicap Musique-Danse en 2010 : pouvez-vous nous dire comment il fonctionne ?
J’ai décidé de m’intéresser au fonctionnement de l’Éducation Nationale et plus particulièrement aux classes d’inclusion ULIS (unités localisées pour l’inclusion scolaire) qui proposent, en milieu scolaire ordinaire, des possibilités d’apprentissages souples et diversifiées.
Dans les écoles de musique, les cursus n’étaient pas adaptés pour recevoir des enfants ou des adultes porteurs de handicap. Il nous fallait inventer un cursus adapté et des évaluations moins normatives. Ainsi nous avons mis en place au conservatoire de Caen les « contrats d’objectifs » : après une évaluation initiale des difficultés, nous mettons en place un parcours d’apprentissage adapté à l’élève, en concertation avec les parents, les enseignants, mais aussi l’équipe des soignants.
Moyennant quelques « petits » aménagements, certains élèves sont capables de suivre un cursus quasi ordinaire, mais pour une grande majorité, le simple aménagement n’est pas suffisant. Nous avons donc créé un atelier de musique adapté avec un instrumentarium spécifique et des objectifs globaux plus en lien avec les grilles d’évaluation du secteur médico-social.
Il me semble important de ne pas s’enfermer dans une seule voie pour comprendre au mieux les différents chemins d’apprentissage qui vont conduire au développement cognitif et moteur, à l’autonomie et l’estime de soi, sans oublier le « faire avec les autres dans le respect des différences et complémentarités ».
Je suis comme un chef de gare : je dois orienter et adapter les parcours en fonction des différents handicaps. Ainsi les cursus au conservatoire sont prévus pour 10 ans, avec deux cycles de 4 ans et une année supplémentaire possible dans chacun des cycles. À la fin de chaque cycle nous délivrons un certificat de suivi d’un enseignement adapté au sein du CRR de Caen.
Comment a évolué le Centre de Ressources Régional Handicap Musique-Danse au cours des dernières années ?
Après 9 ans d’existence, nous avons énormément avancé sur les cursus proposés et l’équipement pédagogique de ma salle, ce qui nous permet aujourd’hui d’accueillir 220 élèves en situation de handicap. Un des points essentiels a été de travailler en réseau : pour trouver d’autres outils d’évaluation que ceux utilisés traditionnellement. J’ai eu la chance de rencontrer des personnes du Centre Ressource Autisme (CRA) ainsi qu’Hervé Platel, un des grands pontes des neurosciences, qui travaille également à Caen. Grâce à eux j’ai appris énormément, par exemple le fait que la musique permet de développer le langage. Il est par ailleurs très important de laisser du temps aux élèves, leur notion du temps n’étant pas la même que la nôtre. De même, quand je parle d’évaluation, cela peut concerner le croisement du regard, les temps d’attention, apprendre à faire des choix, les habilités digitales et cognitives etc.
La loi du 11 février 2005 vous a-t-elle permis de créer plus facilement le Centre de Ressources en 2010 ?
Non, car si la loi de février 2005 est une grande avancée, en réalité, quand on regarde l’histoire, on peut constater que les grandes lignes existaient déjà avant. Cette loi a réaffirmé le principe de l’égalité des chances, mais encore aujourd’hui des freins existent. La confusion entre accessibilité au cadre bâti et accès aux disciplines enseignées est encore bien présente.
L’accessibilité concerne le bâti, or nous pouvons observer qu’une grande majorité d’écoles de musique et conservatoires sont dans des bâtiments classés, ce qui rend difficile – voire impossible – la transformation du bâtiment.
Au conservatoire de Caen, nous avons transformé une ouverture existante en adaptant un système de portes automatiques et nous nous sommes amusés, avec le Directeur, à observer les élèves non handicapés entrer dans le bâtiment. La quasi-totalité des élèves chargés avec sacs à dos et instruments de musique emprunte désormais les nouvelles portes ! C’est logique et tellement plus pratique avec un violoncelle ou une contrebasse sur le dos ! Il s’agit donc vraiment d’un investissement pour tous.
L’autre partie de la loi concerne l’accès. Que pouvons-nous faire avec des professeurs qui ont envie d’enseigner à des personnes en situation de handicap mais qui ne sont pas formés ? Que pouvons-nous leur donner comme outils et comment les reconnaît-on dans l’équipe ?
Faire entrer le handicap dans un conservatoire est une grande chance. Cela permet de constater qu’au-delà de nos habituelles évaluations, la pratique artistique permet aux élèves de développer bien plus de compétences dont nous n’avons pas conscience. À nous, enseignants, de réfléchir pour créer un programme éducatif sur la durée. Nous devons collaborer avec différents corps de métier afin d’apprendre tout le langage médico-technique : des médecins, des orthophonistes, des psychiatres ou des psychologues, des centres comme les centres de ressources autisme (CRA), des ergothérapeutes etc. C’est avec eux qu’il est possible de créer du lien et de la cohérence, dans une démarche commune, en utilisant des supports différents, tout en gardant notre identité professionnelle.
J’ai énormément appris de choses grâce à ces rencontres, comme le fait qu’un enfant, qui a l’air d’être totalement en dehors de la relation à l’autre, ne l’est pas forcément et qu’un simple croisement de regard est une montagne de gravie.
Pour moi, l’intuition est fondamentale. Il faut sentir les choses et oser expérimenter. Mais cela ne suffit pas, c’est pourquoi nous avons besoin de rencontrer et d’échanger avec les autres corps de métiers pour travailler en équipe et en réseau, car dans le processus global qui accompagne l’enfant ou l’adulte en situation de handicap nous sommes tous complémentaires.
Comment réagissent les familles et les proches face aux actions que vous menez ?
L’essence même de la demande des parents en inscrivant leur enfant dans un conservatoire ou dans une école de musique, est qu’il soit suivi le plus longtemps possible, afin qu’il ait le temps de profiter de la pratique artistique et que cela lui apporte « un plus », un progrès dans sa vie.
Dans les formes de handicaps que l’on va appeler les troubles du spectre autistique, les troubles de l’apprentissage etc. c’est une pluralité de prises en charge bienveillantes qu’il faut développer et c’est ainsi que l’on accompagne au mieux l’enfant vers un lendemain où il aura plus d’autonomie. Dans cette chaîne éducative et de soins nous avons notre place et cela a du sens.
L’essentiel c’est aussi de comprendre que ces personnes ne viennent pas chercher une « thérapie », elles veulent juste apprendre et participer comme tout un chacun.
Pouvez-vous nous décrire le déroulement d’un atelier type ?
J’ai un rituel. La première chose importante est le cadre. J’impose un moment de calme et de respect qui nous permet de travailler sereinement.
Ensuite, je commence la séance par un travail cognitif bien souvent à l’aide de cloches fuseaux. Elles permettent de reconnaître les sons et les couleurs. J’ai des partitions en couleur, qui permettent à l’élève de reconnaître et interpréter des mélodies.
Dès le premier atelier, je propose des exercices basiques pour que l’élève ne soit jamais en situation d’échec. En revanche j’ajoute toujours un petit quelque chose de « plus difficile ».
Ensuite, c’est en fonction de leurs envies, je laisse une « liberté encadrée de choix possibles ». Dans ma salle, j’ai tout un pan de mur réservé aux instruments acoustiques et un autre réservé aux instruments électroniques. Aujourd’hui, grâce aux avancées dans le domaine de l’informatique musicale – je pense en particulier à « l’orgue sensoriel » – on peut faire énormément de choses, c’est fabuleux ! Ce n’est pas la machine qui fait à la place de l’élève, c’est vraiment lui qui joue ! Savoir s’en servir et l’enseigner est un vrai métier qui nécessite des connaissances et des compétences.
Quels bilans tirez-vous aujourd’hui de votre engagement dans l’accueil d’élèves porteurs d’un handicap ?
Le premier bilan est personnel et je suis comblé par ce que je fais. Ensuite, je vois beaucoup de conservatoires et d’écoles de musique s’ouvrir à l’accueil d’élèves porteurs d’un handicap, ce qui me donne beaucoup de satisfaction. Tout le monde s’empare de la question du handicap, avec des réflexions et des moyens différents, mais ce n’est pas neutre. C’est un bilan très positif.
Je m’en rends personnellement compte avec mes élèves qui sont toujours présents depuis 9 ans et qui avancent petit à petit !
De manière plus globale, c’est une question qui devient centrale car nous avons l’obligation d’intégrer le handicap dans nos établissements. Au-delà de cette obligation, la question principale est de savoir « qu’est-ce que cela apporte de positif à l’établissement qui s’ouvre au public que l’on dit différent ». Pour moi, la réponse est que cela permet aux enseignants et dirigeants de réfléchir d’une manière beaucoup plus croisée et rayonnante sur leurs pratiques, ce qui a des retombées bénéfiques sur l’ensemble des pratiques pédagogiques.
Quels conseils donneriez-vous aux professeurs qui souhaitent enseigner aux personnes en situation de handicap ?
Tout d’abord, je leur dis emparez-vous du sujet parce qu’il est passionnant ! Formez-vous si vous en ressentez le besoin. Ensuite pour les directeurs(trices), il faut encourager vos collègues professeurs qui ont envie de se former et d’aller vers de nouveaux horizons pédagogiques en accueillant des élèves porteurs de handicap.
L’énergie d’aller vers quelque chose de nouveau est précieuse, il faut tout faire pour l’encourager, l’aider et l’accompagner mais aussi l’encadrer car il s’agit bien d’une discipline à part entière qui doit trouver sa place et son identité au même titre que les autres disciplines au sein du conservatoire.
La peur de l’inconnu constitue certainement un frein pour les enseignants. Quand quelqu’un arrive en formation avec moi, je lui explique que je ne vais rien lui apprendre car il connaît autant de choses que moi. Il faut simplement lui montrer comment « ôter quelques verrous » et lui parler des outils pédagogiques avec lesquels il peut travailler et expérimenter. Je préfère dire que les personnes viennent à Caen en observation et non en formation, car je n’ai rien à apprendre, juste à partager et transmettre une expérience professionnelle ! Nous avons déjà tous les outils nécessaires pour faire découvrir la musique, la danse, à des personnes en situation de handicap. Il faut arrêter de penser qu’il faut dépenser beaucoup d’argent pour ça, c’est totalement faux. Une classe de musique adaptée ne coûte pas plus chère qu’une classe équipée d’un bon piano. Il faut simplement que l’on nous autorise à penser et enseigner autrement face aux contraintes budgétaires, simplement « partager la galette » en laissant une petite part pour les publics que l’on dit « empêchés ».
Arlette Brison, professeur d’accordéon qui anime un atelier pour des élèves en situation de handicap au CRD de Châtellerault et vice présidente de la CMF
Pouvez-vous nous parler de votre parcours musical ?
Je suis professeur d’accordéon et j’ai, pendant 20 ans, dirigé une école municipale qui est devenue une antenne du conservatoire de Châtellerault. Aujourd’hui, je suis adjointe à la Direction du conservatoire de Châtellerault et je m’occupe des élèves en préprofessionnalisation. Enfin, j’anime au sein du conservatoire, un atelier à destination des personnes en situation de handicap.
Comment avez-vous eu l’idée de créer cet atelier ?
Ma devise est « la musique pour tout le monde ». Malheureusement, je me suis rendu compte que ça n’était pas le cas. Beaucoup d’ateliers ont été créés pour les adultes et les retraités notamment, mais pas pour les personnes en situation de handicap.
Effectivement, il y a des choses qui se font dans les hôpitaux, les Centre d’Aide par le Travail (CAT) ou les Maisons d’Accueil Spécialisées (MAS), mais cela s’adresse uniquement aux personnes suivies dans des centres. Tous ceux qui vivent chez leurs parents ou qui ne sont pas dans une institution n’ont accès à rien.
C’est pour cette raison que j’ai souhaité créer un atelier différent, pour que les élèves porteurs d’un handicap puissent venir au conservatoire comme des élèves lambda.
Avez-vous suivi une formation particulière pour pouvoir animer cet atelier ?
Oui, j’ai suivi deux formations qui concernent un certain nombre de handicaps comme les personnes non voyantes ou malentendantes. Ces formations ne préparent pas à prendre en charge certaines pathologies lourdes comme l’autisme ou la trisomie. C’est beaucoup plus compliqué et il n’y a pas de méthode miracle.
La formation consistait à écrire des petites pièces, puis j’avais 15 à 20 minutes pour leur faire découvrir ce que j’avais écrit et leur faire reproduire. Ça m’a mise tout de suite dans le bain ! J’étais face à des personnes qui ne me connaissaient pas, donc j’ai directement été confrontée aux difficultés de langage, de compréhension et de confiance.
Ensuite, j’ai assisté à une formation théorique pour apprendre à animer un groupe avec des personnes en situation de handicap.
J’ai surtout appris beaucoup de choses lors des congrès du « Réseau National Musique et Handicap ». Les professeurs partagent leurs expériences et cela m’a été très utile, notamment pour choisir des instruments pour mes élèves. Je suis accordéoniste donc je pensais naïvement que je pouvais aller acheter un petit accordéon et leur enseigner, mais pas du tout ! L’accordéon est le seul instrument dont les vibrations vont sur la cage thoracique, c’est beaucoup trop proche de leur corps… Donc ils ont eu peur…
J’ai plutôt appris à miser sur les instruments à percussions comme le marimba qui est formidable pour eux, le clavier avec des petits points de couleurs pour ceux qui connaissent les couleurs, toutes les petites percussions.
Mes élèves ne parlent pas, donc c’est très compliqué de communiquer. Ils ne sont pas capables de verbaliser leurs envies mais on arrive heureusement à se comprendre, surtout quand je leur montre les choses.
La formation pratique est la plus importante car on est en immersion et cela permet de faire prendre conscience rapidement si l’on est capable ou non de travailler avec des personnes en situation de handicap. Entre vouloir et pouvoir, malheureusement, il y a un fossé.
Pouvez-vous nous parler de vos élèves ?
Quand j’ai créé cet atelier, j’ai eu 5 inscriptions et ce sont toujours les mêmes élèves aujourd’hui ! Ce sont des jeunes en situation de handicap qui sont trisomiques, autistes ou qui ont des retards de croissance.
En tant que professeur de conservatoire, la base est d’oublier tout ce qu’on a pu apprendre pour enseigner auparavant, tout ce qui est académique et cela n’est pas toujours évident !
Ensemble, on crée une musique qui leur parle. Lors d’une séance, chacun joue plutôt pour soi, et, tout d’un coup, il y a un petit moment de grâce qui peut durer une minute ou une minute trente pendant lequel on arrive à avoir une pulsation commune, là il se passe quelque chose !
Comment se déroule un atelier ?
Un atelier dure 1 h 30. Il y a un rituel à ne surtout pas modifier pour ne pas les déstabiliser ou les inquiéter. J’ai instauré une façon de donner mon cours depuis le début et il ne faut pas que ça bouge. Si j’intervertis une activité ou que je ne fais pas la même chose que d’habitude, la séance est fichue.
Il y a deux ans, j’ai dû me faire remplacer, ce qui a été très compliqué. Voir une nouvelle figure les a totalement déstabilisés. Tout doit être totalement cadré pour qu’ils soient en confiance. Ainsi si je veux les faire changer d’instrument, il faudra toute une préparation auparavant, qui dépendra aussi de leur bon vouloir.
Si je veux essayer quelque chose de différent avec eux, je ne peux pas l’imposer directement. En insistant, ils se braquent et c’est un effet boule de neige, quand l’un n’est pas d’accord, les autres font pareils.
Ainsi, l’atelier se déroule toujours de la même manière. On commence par préparer le matériel, enlever la housse du marimba, installer les pupitres. Après on commence à jouer. Il y a deux guitares, un clavier, une batterie et je suis au marimba avec l’un d’entre eux.
J’utilise toujours les mêmes pièces rythmiques, comme Jean Michel Jarre par exemple, car ils ne peuvent pas jouer des choses lentes ou des tenues. Il faut que ça soit toujours du binaire, le ternaire ne marche pas !
Cette année, j’ai réussi à faire une audition avec uniquement des timbres : des bols tibétains et toujours le marimba car il faut qu’il y ait un instrument immuable. Le plus important dans mon travail c’est donc la patience. Pour cette audition, cela m’a demandé 4 à 5 mois de travail et je ne suis pas totalement arrivée à ce que je voulais.
Mon projet est de faire, avec un de mes collègues, une audition par an avec une partition commune entre ses élèves et les élèves en situation de handicap. J’ai vraiment envie qu’ils ne jouent pas uniquement entre eux, qu’ils soient au moins une fois intégrés à un groupe mixte. Pour l’instant cela reste compliqué à organiser car tout le monde a ses occupations et ça prend du temps, mais j’y arriverai ! Je suis tenace.
De votre point de vue, la loi de 2005 « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » a-t-elle permis d’introduire des améliorations vis-à-vis des personnes vivant avec un handicap ?
Les choses ne sont pas si simples car même si cette loi est bienvenue, la faire appliquer dépend surtout du bon vouloir du directeur de conservatoire ou de la municipalité. Il faut qu’ils soient sensibilisés au handicap bien sûr, mais il faut aussi qu’ils soient convaincus de la nécessité de permettre à chacun d’accéder à la musique malgré les difficultés qui ne manquent pas.
Ensuite, il faut trouver un relais, comme un professeur qui ait envie de le faire et qui soit formé pour le faire. C’est difficile car il faut aménager des heures supplémentaires ou prendre du temps sur son planning personnel et tout cela freine les bonnes volontés.
Comment réagissent les parents et les proches ?
Ils sont très heureux ! Aujourd’hui, les élèves se voient en dehors des cours, font des sorties tous ensemble, alors qu’avant ils restaient chez eux avec leurs parents et n’avaient pas de vie sociale. Ils ont fait des progrès aussi dans le cadre de l’atelier, certes de petits progrès mais ils comprennent mieux, ils jouent certaines choses à leur manière, c’est important.
Je leur fais découvrir des genres musicaux qu’ils n’écoutent absolument pas comme Queen par exemple, je les emmène aux auditions d’instruments dans le conservatoire, j’essaye de les faire chanter un petit peu aussi. Il y a vraiment une volonté d’éducation, mais ça reste en tout premier lieu de la musique plaisir : plaisir d’échanger et de jouer ensemble.