Mathias Ségura

Les transformations à l’ère numérique ont résolument eu un impact sur l’enseignement spécialisé de la musique, la pratique artistique et aussi le rapport avec le public. Ces évolutions et les nouvelles technologies qui sont apparues ont vu fleurir de nouveaux instruments, une lutherie numérique qui prend une place de plus en plus importante dans les pratiques et ouvre la porte à de vastes possibilités de création, d’exploration sonore, et rebat les cartes du geste instrumental.

Nous vous présenterons d’abord l’instrument à vent électronique dans ses grandes lignes puis quelques instruments qui ont attiré notre attention comme le “Sylphyo” de chez Aodyo et “l’Aerophone” de chez Roland. Enfin, nous terminerons cet article en abordant le travail artistique réalisé par Floy Krouchi avec la FKBass, une basse augmentée créée en partenariat avec le centre national de création musicale de Reims.

Lutherie numérique : l’instrument à vent électronique

L’univers de la lutherie numérique prend appui depuis ses débuts sur un concept assez connu, le contrôleur MIDI. Basé sur le principe de génération et de transfert de données, un contrôleur MIDI permet de déclencher, le plus souvent via un clavier dédié, des notes et des sons paramétrables en amont grâce à un logiciel dédié. Le langage MIDI permet ainsi de travailler sur la nature des sons, sur des effets, sur de la modulation, de l’assignation, de l’écriture, sur la durée de la note jouée, ou même sur la force, etc.

Peu à peu associés à l’innovation technologique, les premiers instruments à vent électroniques avec colonne d’air dotés de capteurs de pression respiratoire et de capteurs de pression des lèvres sont apparus. Aujourd’hui le marché regorge d’instruments basés sur l’alliance entre contrôleur MIDI et capteurs dédiés, les “contrôleurs à vent”.

  • Le Sylphyo

    Développé par la marque Française basée à Lille, Aodyo, le Sylphyo est un contrôleur MIDI dit “standalone”, l’instrument ne nécessite donc pas de logiciel externe spécifique à son fonctionnement, l’ensemble des paramètres et la personnalisation du son se fait directement sur l’instrument via une banque de sons pré-programmés. Pour autant, il est possible de connecter l’instrument à une station audio-numérique notamment grâce à un boîtier le “Sylphyo Link” permettant au Sylphyo d’être joué sans fil.

    Basé sur une colonne d’air munie de capteur, l’instrument s’attache à recréer certaines sensations des instruments à vent dits “traditionnels” pour offrir une plage dynamique allant du pianissimo au forte. Aussi, le Sylphyo est conçu par défaut avec un doigté de flûte à bec mais l’instrument peut également être paramétré sur d’autres doigtés comme le saxophone ou la trompette. Près de 50 doigtés sont disponibles dans la dernière version.

    Du côté du geste instrumental, le Sylphyo propose un éventail de possibilités reposant sur le mouvement permettant un contrôle sur l’expressivité et les nuances du son joué. L’instrument possède également un capteur tactile “slider” au niveau du repose pouce qui permet d’ajouter un niveau supplémentaire de nuance.

    Enfin, le Sylphyo permet un véritable travail de personnalisation selon le souffle, la respiration et le jeu grâce à un mappage MIDI modifiable (profondeur de respiration, vibrato, slider tactile, harmonique, posture par défaut…).

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  • L’Aerophone

    Sur la base d’un design un peu plus fourni, l’Aerophone proposé par la marque Roland, mi-instrument à vent et mi-synthétiseur MIDI, propose comme son cousin le Sylphyo, une large gamme de sons d’instruments acoustiques comme le saxophone soprano, alto, ténor et baryton, ainsi que la clarinette, la flûte, la trompette. Le violon, le violoncelle et d’autres instruments à cordes sont également inclus, ainsi que des instruments du monde comme l’erhu, le shakuhachi et la cornemuse (près de 250 sons programmables).

    Du côté du hardware, l’Aerophone est doté du système de synthèse ZEN-Core, qui se trouve être le même moteur sonore avancé que l’on trouve dans les claviers Roland comme le FANTOM et le JUPITER-X, ce qui peut être un plus pour les musiciens déjà habitués à travailler avec ces synthétiseurs. Enfin, l’instrument est accompagné d’une application mobile, “Editor”, qui permet un réglage plus poussé des différents sons disponibles et des effets intégrés entre autres comme de la Reverb, un Chorus et un Delay. Appelée “Scenes”, l’application a aussi une fonction qui permet de superposer différents réglages, différents sons qui, à posteriori, peuvent être mobilisés facilement d’un morceau à un autre lors de concerts par exemple comme un preset défini par l’utilisateur. L’application permet également d’attribuer des paramètres pour le souffle, la pression et les contrôles intégrés.

    Au niveau de l’objet en lui-même, l’Aerophone possède les doigtés par défaut du saxophone, et question poids il pèse près de 1,1 kg ce qui nécessite un harnais : à titre de comparaison le Sylphyo ne pèse que 395 g.

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Floy Krouchi

Artiste sonore, bassiste et compositrice électroacoustique, Floy Krouchi débute dès les années 90 en cofondant Mafucage, un ensemble collectif de femmes musiciennes expérimentales à Paris, projet qui performera jusqu’en Chine notamment sur la route du Transsibérien. Depuis, elle a animé d’innombrable projets mais aujourd’hui nous nous attarderons sur le travail qu’elle mène avec un instrument qu’elle a créé en collaboration, la FKBass. Cet instrument, qui mélange basse électrique et électronique, est le point de départ du projet « Bass Holograms », pièce pour FKBass déclinée en solo et à plusieurs pour former le « Bass Holograms ensemble », qui se produira jusqu’à New York avec Chess Smith, Mark Bingham ou encore Emilie Lesbros, ainsi qu’à la Nouvelle-Orléans en duo avec le batteur Benjamin Sanz en 2016.

Floy Krouchi poursuit également un travail sur l’art radiophonique à travers des pièces sonores à la croisée de l’essai, de la fiction, du documentaire et de la poésie sonore. La compositrice a déjà remporté plusieurs prix internationaux comme le Prix Luc Ferrari en 2010, le Prix Italia en 2011 ou encore le Phonurgia Nova en 2013. Floy Krouchi explore les nouvelles technologies comme un moyen d’aborder de nouveaux processus de création au service de la musicalité et de l’écriture.

Instrument hybride électrique et électronique – avec des capteurs intégrés. La FKbass conjugue ma pratique instrumentale, ma pratique électroacoustique et ma découverte de la rudra veena. Elle intègre donc aussi un axe traditionnel/contemporain. C’est en écoutant la rudra veena que je me suis rendu compte que les fréquences basses se développent dans un temps très long et qu’il serait intéressant de traiter le son en temps réel pour révéler les fréquences inaudibles — d’où l’idée d’un hologramme sonore.

  • La FKBass

    Inspirée par la musique indienne et son instrument le plus ancien, la rudra veena (instrument traditionnel hindustani), avec une approche d’exploration des possibilités timbrales et micro-toniques proposées par la musique Indienne, la FKbass s’est construite par la volonté de créer un lien entre un instrument et les traitements électroniques possible en temps réel grâce à un logiciel de traitement sonore et révéler des fréquences basses inaudibles.

Co-construite avec le centre national de création musicale de Reims, la FKBass est constituée d’un ensemble de capteurs qui permettent l’introduction par le geste de l’expressivité électronique tout en conservant un jeu instrumental plus classique. Les capteurs connectés à l’ordinateur peuvent être paramétrés pour avoir une incidence sur le volume, sur un filtre, sur une nuance… L’idée est de pouvoir jouer sur ces paramètres directement sur l’instrument sans devoir arrêter de jouer et aller sur l’ordinateur pour reprendre ensuite le jeu. Floy Krouchi considère la FKbass comme un instrument où la technologie est utilisée en tant que phénomène poétique, les gestes instrumentaux introduits pas l’instrument apportent une palette musicale supplémentaire au service de cette poésie.

Toujours accompagnée par la FKBass, Floy Krouchi travaille également avec l’univers du visuel dans une dimension immersive comme avec l’artiste Ursula Sherrer notamment avec son projet “Sonic Totem”, une sculpture sonore interactive et programmable pour réagir à la distance et aux mouvements proches, le Totem devient un instrument polyvalent d’interaction en temps réel.

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